
L’organisation Badilika Droits Humains tire la sonnette d’alarme sur ce qu’elle qualifie de politique planifiée d’affaiblissement des populations civiles dans le territoire de Rutshuru. Cette stratégie, attribuée au groupe armé M23 avec le soutien présumé d’éléments des Forces de défense rwandaises (RDF), combinerait expropriation, privation alimentaire et enrôlement forcé.
Entre le 18 et le 25 juillet 2025, plus de 800 hectares de terres cultivables ont été réquisitionnés dans les localités de Karama, Kalambi et Chengerero. Des engins agricoles non identifiables ont labouré ces champs, sans que les propriétaires soient consultés ni dédommagés. Huit personnes auraient été blessées en tentant de s’opposer à ces confiscations. Par la suite, l’accès aux terres aurait été conditionné à des paiements allant jusqu’à 100 USD et à des taxes sur les récoltes.
Pour Badilika, ces privations relèvent d’une tentative d’affaiblissement des communautés par la faim, ciblant de manière disproportionnée les groupes vulnérables tels que les femmes enceintes, les enfants et les personnes âgées. L’ONG parle d’un « nettoyage économique et social » et dénonce des violations graves du droit international humanitaire.

Le 31 juillet, plus d’une centaine de jeunes civils auraient été enlevés à Ishasha, puis transférés à Rutshuru où certains ont été vus en uniforme militaire. Ils seraient engagés sur la ligne de front contre les FDLR, utilisés comme « chair à canon ». Badilika suspecte une volonté délibérée d’affaiblissement ciblé de la jeunesse Hutu locale.
Deux officiers sont désignés comme responsables : le colonel Amani Claude, cité dans les enquêtes sur le massacre de Kishishe en 2022, et le général Boudoin Ngwaro, commandant du M23/AFC, mentionné à plusieurs reprises dans des rapports sur les violations des droits humains à l’Est de la RDC.
L’organisation appelle le gouvernement congolais à diligenter une enquête, la Cour pénale internationale à ouvrir une procédure indépendante, et les instances internationales telles que les Nations Unies, l’Union africaine et MONUSCO à exercer une pression diplomatique sur le Rwanda pour mettre fin à son soutien présumé au M23.

« L’inaction équivaut à de la complicité. Il est encore temps d’agir pour éviter une tragédie humaine de grande ampleur », conclut le communiqué.
Mais à Rutshuru, chaque jour un passé sans réponse est un jour où l’injustice s’installe un peu plus profondément dans les sillons d’une terre devenue silencieuse.
Justin Mupanya