
Le 18 octobre 2025, la République démocratique du Congo s’est jointe au reste du monde pour célébrer la Journée mondiale de l’Okapi. Cette journée vise à honorer cet animal unique au monde, emblème de la biodiversité congolaise, mais aussi véritable symbole d’unité nationale et de richesse culturelle.
Un animal rare, reflet de l’identité congolaise
L’Okapi (Okapia johnstoni), souvent appelé « la girafe de la forêt », est un mammifère endémique de la RDC. Introuvable ailleurs dans le monde, il incarne à la fois la fierté, la diversité et la richesse naturelle du pays.
« Rare et seul animal introuvable au monde entier, l’Okapi symbolise pour la biodiversité congolaise une richesse à la fois économique et culturelle », explique Guerchom Achu-Ukani Ubounte, expert en environnement et en développement durable, également activiste des droits linguistiques.
Pour lui, l’Okapi n’est pas qu’une curiosité biologique, mais une leçon vivante d’unité dans la diversité.

« Ses rayures de girafe sur la tête, sa taille d’antilope et ses rayures de zèbre aux pieds — pourtant un seul animal — nous rappellent que si les Congolais de l’ouest, du centre et de l’est apprennent à se comprendre dans leur diversité, ils pourront affronter ensemble les maux qui déciment la nation », affirme-t-il.
La Journée mondiale de l’Okapi est ainsi un signe de prise de conscience et de mobilisation collective pour protéger une espèce aujourd’hui menacée par le braconnage, la déforestation et l’instabilité dans l’est du pays.
Un héritage scientifique enraciné dans les savoirs autochtones
L’histoire de l’Okapi remonte bien avant sa « découverte scientifique » en 1901 par Harry Johnston. Ce dernier ne l’aurait jamais identifié sans la contribution des peuples Mvuba et Pygmées, habitants ancestraux de la forêt de l’Ituri.
Le mot Okapi provient du dialecte Mvuba “Òkàpìì”, signifiant littéralement « règne plein », c’est-à-dire « plein de dignité et de pouvoir ».
Guerchom rappelle :
« Schebesta Paul, dans Les Pygmées du Congo Belge, ces inconnus (1952), rapporte que Harry Johnston fut conduit à l’Okapi par les Nègres Mvuba (sic), qui le mirent en contact avec quelques Pygmées, ces derniers lui permirent d’identifier le fameux animal. »
Ces communautés connaissaient déjà bien l’Okapi, qu’elles considéraient comme un animal sacré. Chez les Mvuba, sa peau était portée par le chef coutumier (màlà bʉkʉmà) lors de son intronisation, signe de royauté et d’autorité spirituelle.

« Il avait fallu la contribution de ces deux peuples, Mvuba et Pygmée, pour que le monde découvre cet animal légendaire », insiste Guerchom.
Okapi, langues et droits des peuples autochtones : un combat commun
Pour Guerchom Achu-Ukani, la protection de l’Okapi est indissociable du respect des droits linguistiques et culturels des peuples autochtones.
« Si c’est grâce à la langue qu’on a pu identifier cet animal, alors les efforts de sa protection doivent aussi inclure la promotion et la revitalisation des langues autochtones », souligne-t-il.
Il plaide pour une approche globale intégrant l’accès à l’éducation, à la santé, aux infrastructures et au développement économique dans les zones forestières, afin de permettre aux peuples concernés de s’approprier la conservation de leur environnement.
Cette vision repose sur un principe clair : on ne protège bien que ce que l’on connaît et ce que l’on comprend dans sa propre langue.
Un lien spirituel et culturel profond
Chez les Bambuba, notamment au sein du clan Andɨsamba, l’Okapi occupe une place centrale dans la spiritualité et les traditions.
« Ce clan, par exemple, ne mange pas cet animal, mais l’invoque pendant ses rites pour un secours spécifique », explique Guerchom.
Ce lien spirituel entre l’Okapi et les communautés locales démontre que la conservation scientifique et la connaissance traditionnelle peuvent se renforcer mutuellement.
C’est pourquoi l’expert propose la création d’un Fonds Interprovincial de Promotion de Peuples Autochtones de Beni-Ituri (FIPPABI). Ce fonds, selon lui, devrait promouvoir les droits socio-économiques, culturels et politiques des peuples autochtones tout en renforçant leur action climatique et leur implication directe dans les efforts de conservation.
Des efforts à poursuivre pour sauver une espèce en danger
L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) classe l’Okapi parmi les espèces menacées d’extinction.
Sa population, autrefois estimée à plusieurs dizaines de milliers, ne dépasserait plus 15 000 individus aujourd’hui, concentrés principalement dans la Réserve de Faune à Okapis (RFO) en Ituri, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1996.
Malgré les efforts de l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) et des ONG partenaires comme la Wildlife Conservation Society (WCS), la tâche demeure difficile en raison de l’insécurité et du manque de moyens logistiques. Plusieurs éco-gardes ont perdu la vie en protégeant cette espèce emblématique.
L’Okapi, un miroir du Congo
Au-delà de la biologie et de la culture, l’Okapi est devenu un symbole national d’unité et d’espérance. Son apparence mêlant des caractéristiques diverses mais harmonieuses illustre la diversité du peuple congolais.

« Si les Congolais pouvaient s’unir comme les éléments de l’Okapi , différents mais complémentaires, ils surmonteraient les divisions qui freinent le pays », soutient Guerchom.
L’Okapi n’est pas seulement un joyau écologique ; il est le miroir de la République démocratique du Congo elle-même : une terre de contrastes, de beauté et de résilience. En protégeant l’Okapi, les Congolais défendent leur culture, leur identité et leur avenir.
Le célébrer chaque 18 octobre, c’est rappeler au monde que le Congo ne se résume pas à ses crises, mais aussi à ses merveilles, à son âme et à ses symboles universels.
Justin Mupanya